Alexandre Gagnier est le portrait parfait du musicien classique professionnel : commencé la musique à 12 ans, découvre rapidement le trombone, études au Conservatoire de Montréal, carrière comme chambriste dans l’Ouest canadien avec sa femme violoniste expatriée là-bas… C’est à son retour à Montréal qu’il a l’idée de lancer, avec d’autres musiciens, sa Coopérative des professeurs de musique de Montréal.

« Ce n’est pas évident de vivre de la musique, dit-il. Il fallait faire quelque chose qui nous aurait permis de partager notre art. »

En 2009, il lance son projet avec sa conjointe, Lyne Allard, aujourd’hui violoniste à l’Orchestre métropolitain et au Nouvel ensemble moderne, et Élizabeth Giroux, violoncelliste à la célèbre compagnie de danse La La La Human Steps, disparue en 2015.

Au début, c’était une microentreprise sans siège social. Depuis leurs domiciles, Lyne Allard se tapait la comptabilité, Alexandre Gagnier dirigeait les inscriptions des élèves; les vingt membres initiaux donnaient leurs leçons à la maison. Aujourd’hui, l’école loge sous l’église Saint-Jean-Baptiste, rue Rachel, à Montréal, compte 80 membres, 800 élèves et génère un chiffre d’affaires dans les 400 000$. L’an dernier, l’école a même incorporé les étudiants du Conservatoire qui donnaient des leçons individuelles.

Pas automatique

« Être un entrepreneur, ce n’est pas automatique pour tout le monde, reprend le musicien. Je n’ai pas fait d’études à HEC Montréal, je n’ai aucune expérience en gestion d’entreprise. Et j’ai choisi un parcours différent de la plupart des entrepreneurs, en fondant une coopérative. »

Il considère que le mode coopératif n’est pas compliqué, du moment que chaque membre connaît la loi, les règlements, et partage une notion claire des rôles de chacun, ainsi que des instances de la coop. De fait, l’ambiance est très bonne. « Quand tu es le patron d’une inc., tu es roi et maître. Il y a une relation directe avec ton portefeuille. Quand tu es membre d’une coopérative, l’entreprise ne t’appartient pas. Il faut être empathique. Il faut adapter le style de gestion en conséquence. »

Malgré tout, il sent qu’il a besoin de partager certaines craintes et défis. « J’avais besoin du point de vue d’un entrepreneur expérimenté, dit-il. Avoir un mentor m’a beaucoup aidé. Comme il est passé par là, il m’a permis d’envisager tout ça d’une manière plus globale. Surtout pour les aspects humains. »

Il considère très précieux ces temps d’arrêt avec son mentor. « Une tape dans le dos, c’est toujours bienvenu. Les dirigeants d’entreprises ont rarement de l’encouragement. »

Mode coopératif

Comme directeur général, Alexandre Gagnier a un salaire, mais ses décisions ne le touchent pas nécessairement personnellement. Une réalité propre aux coops. Son but, il le dit ouvertement, c’est de rendre les gens heureux dans leur travail. Et c’est, avoue-t-il, l’aspect le plus difficile. « D’un côté, il y a une certaine limite au contrôle que je puis exercer, dit-il. De l’autre, qui suis-je, justement, pour rendre les gens heureux? »

Si personne ne travaille à plein temps dans l’entreprise, Alexandre Gagnier considère que la création et la croissance de la coopérative a, jusqu’à présent, apporté beaucoup de positif. Car le métier de musicien est difficile. Les revenus fluctuent sans cesse. La possibilité d’enseigner permet donc une certaine stabilité.

De plus, M. Gagnier lie son travail au concept d’excellence, une notion qui n’est pas automatiquement associée à la coopération. « Certes, on crée souvent une coop pour lutter contre les difficultés, dit-il. Mais quand on vise l’excellence, on va chercher le meilleur de l’humain. » La vision de l’entreprise est, justement, « l’excellence par la solidarité ».

« Chaque personne de notre équipe a sa force, reprend-il. Certains sont des musiciens virtuoses, d’autres sont très cartésiens ou ont beaucoup d’entregent. Nous cherchons à établir une certaine complémentarité dans l’équipe. »

D’ici deux ans, la coopérative de travailleurs songe à changer son statut pour devenir une coop de solidarité. « Nous aimerions intégrer nos élèves et leurs parents comme membres, explique Alexandre Gagnier. La coop pourrait grandement bénéficier de leurs idées et leur implication. Ce qui pourrait contribuer à enrichir l’entreprise et ses membres. On aura alors atteint une certaine maturité. »

Une collaboration de Stéphane Desjardins.

 

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Dîner-conférence « Je fais une différence… »